Allergies, espoirs : l'immunothérapie, la biothérapie
- Irène Zen

- 10 sept.
- 8 min de lecture

Quand on est diagnostiqué allergique à un aliment, ou à des aliments, on se demande si on doit rester toute sa vie sans en consommer. Entre gourmandise et anaphylaxie le choix est vite fait !
Si vous nous suivez, vous savez que nous sommes une famille d'allergiques, mais pas des demies, avec ma fille qui vient de recevoir un diagnostique renouvelé pour 64 allergies alimentaires! Je ne vous dis pas le planning de repas pour que cela reste sans danger, sain et équilibré, sans parler des allergies croisées. Pour elle, l'immunothérapie a d'abord aidé, puis tout s'est bloqué puis aggravé à l'entrée dans l'adolescence. De 20 dans l'enfance avec des tolérances accrues, on est passé à une trentaine il y a 2 ans puis carrément à une explosion, avec un effet cercle vicieux de l’œsophagite qu'elle a développé entre temps. Alors, c'est la panique, et l'interrogation? Que peut on faire pour 1) que l’œsophagite - douloureuse et dangereuse avec les fausses routes - se calme et 2) pour que ses taux d’éosinophiles sanguins redeviennent acceptables et 3) que les allergies régressent? Comment traiter les allergies alimentaires surtout nombreuses?
L'éviction pure et simple?

L'éviction est une solution sûre, mais malheureusement, nous ne sommes pas à l'abri dans un monde où les aliments industriels n'ont l'obligation d'indiquer que quelques allergènes majeurs, quand on sait qu'ont peut être allergique à a peu près toute protéine, sans parler des réactions croisées (voir a ce sujet celles des protéines pr10 du Bouleau qui croisent avec beaucoup de fruits et légumes notamment).
C'est encore pire avec la cuisine artisanale ou familiale, pourtant bien plus saine, où bien souvent, on utilise des ingrédients dont on connaît mal la composition, bouillons, ou des sauces toutes faites entres autres). Par exemple, la fameuse mention "épices", ou encore "arômes" est des plus obscures!
Alors a part 1) manger bio 2) des aliments non transformés (y compris pains, yaourts etc maison!), 3) toujours amener sa propre nourriture partout, que faire?
Un test de provocation orale des allergies : une peur pour un bien

Une solution sûre, après un diagnostic formel par test sanguin (sensibilisation aux protéines) + pricks tests (réactivité allergique cutanée) + histoire clinique auprès d'un spécialiste, est de faire un test de provocation orale en milieu hospitalier.
Celui-ci bien qu'impressionnant et pas très rassurant, surtout en tant que parent, est nécessaire pour savoir quelle dose de l'aliment incriminé est tolérée et quelle dose provoque des symptômes. Ce test permet aussi de donner une idée de la gravité des symptômes et aussi, combien de temps après l'ingestion. Car, si, dans la plupart des cas, les symptômes se manifestent rapidement après l'ingestion, ils peuvent survenir plusieurs heures après ! Certains pourront donc tolérer les traces dans les aliments industriels quand d'autres ne tolèreront même pas les poussières de Curly dans l'air à l'ouverture d'un sachet.
Eh oui, les allergies se ressemblent mais sont personnelles, et dose-dépendantes.
Nous avions ainsi pu établir que ma fille aînée, par exemple, ne tolère même pas la dose minimale de 65mg de noisette, et à une réaction sévère d'emblée. Pour la cacahuète, la réaction majeure à été différée de 2h après la prise. Et sa petite sœur a une réaction non grave, mais invalidante, différée de plusieurs heures pour le lait, sous forme de symptômes gastro intestinaux plus ou moins marqués.
Il est important de voir que ces tests ne donnent qu'un indice, car la tolérance peut être significativement abaissée en cas de chaleur, froids, maladie, prise d'antibiotiques ou sport intense par exemple. D'autre part, ils ne sont pas sans risques, d'où la nécessité de les faire uniquement en milieu hospitalier, ou l'on vous pose une entrée pour perfusion au cas où une réaction nécessiterait une intervention rapide. Cela dit, les allergologue progressent très doucement, en observant bien le patient (constantes, aspect cutané et général) et en procédant en accord avec les données sanguines et de pricks tests effectués.
Il y a aussi un deuxième effet, qui est l'anxiété provoquée par l'ingestion d'une aliment qui a provoqué une réaction sévère voire qui peut être mortel. Car n'oublions pas que, contrairement a ce que suggèrent quelques films (Pierre lapin, La nouvelle guerre des Roses par ex.), on ne joue pas avec les allergies, qui peuvent nous faire passer de vie à trépas en quelques minutes.
Cependant, souvent, la connaissance de ces doses tolérées permettent de mettre en place un protocole d’immunothérapie.
Le protocole d'immunothérapie par introduction d'une petite dose quotidienne

Son principe est de donner, à la maison, de toutes petites doses souvent quotidiennes, lentement croissantes, et démarrant bien en deçà du seuil mesuré, de l'aliment incriminé pour établir une tolérance.
Pourquoi est-ce important ? D'abord, parce que l'ingestion accidentelle peut toujours arriver, et développer une tolérance fait qu'on éloigne le choc anaphylactique. Deuxièmement, vivre une allergie grave impose de vivre sur le qui-vive, des situations sociales d'exclusion à tout âge ou une planification sans erreur possible du quotidien sans répit, sans vacances, puisque toute erreur peut avoir des conséquences dramatiques. Ne parlons pas de polyallergies où là, il devient facile de verser dans l'hypervigilance constante ou la paranoïa, surtout si son enfant est scolarisé ou qu'il fréquente des activités parascolaires.
L'immunothérapie a de bonnes chances de fonctionner surtout en cas d'allergies peu nombreuses, et de bon suivi des protocoles. Pour notre cas c'était compliqué car le milieu scolaire était synonymes de nombreuses maladies respiratoires (asthme) et donc de nombreuses maladies respiratoires et de traitement antibiotiques qui faisaient reculer systématiquement les efforts faits. C'est finalement après cinq ans de scolarisation à la maison que l'allergie au lait de vache a pu être levée, après 9 ans d'efforts.
Nous avions alors ressenti une joie et une liberté incroyables, parce que le lait est partout dans les préparations actuelles. Elle a pu gouter la chantilly, les crèmes glacées, et de la crème lors des repas, et même si il lui restait bien d'autres allergies, l'immunotherapie ouvrait la voie à de belles perspectives.
Pour profiter de l’amélioration, les autres laits animaux ont fait aussi l'objet d'un protocole, puis l’œuf, le soja, le sésame, les pois, les lentilles. Tout a progressé, puis elle est rentrée au collège, et les infections sont revenues.

Je trouvais les réintroductions nombreuses et nous avions commencé aussi les acariens puisqu'elle a une rhinite permanente, très embêtant que parce qu'elle met une pression sur l'oreille interne via la trompe d'Eustache, ce qui lui provoque de violentes migraines vestibulaires avec vertiges et nausées.
Je m'inquiétais de l'inflammation provoquée par ces introductions, qui ne progressaient plus, en me basant sur le fait que même si la tolérance était améliorée, les pricks-tests demeuraient nettement positifs, même pour le lait (5mm, acariens 20 mm, soja, 10 mm etc). Quels dégâts sur son corps, alors même qu'on soulignait que l'inflammation est liée à l'obésité, aux cancers, aux problèmes cardiaques? On me rassurait en arguant que les doses étaient minimes.
Malheureusement, une trouble-fête est venue confirmer mes craintes : l’œsophagite à éosinophiles (EOE).
Inflammation en roue libre : que faire?

Après des difficultés croissantes à avaler, des douleurs thoraciques, et de nombreuses fausses routes, ma fille a fini aux urgences, qui n'ont rien vu d'alarmant. C'est là que nous avons eu une grande chance : nous avions croisé une jeune allergologue entrée récemment en service, qui, fin limier, a tout de suite vu la potentialité de cette maladie où le système immunitaire attaque le corps. Une fibroscopie et des biopsies plus tard, c'était confirmé. En somme, comme un eczéma de l’œsophage, avec des poussées et des rémissions à vie, a ceci près que cela cause des douleurs et que l’œsophage peut devenir si étroit que l'alimentation ne peut plus passer, sans parler des fausses routes. Le problème est que les allergies alimentaires entretiennent cette maladie, et que la maladie induit une diminution franche des tolérances et de nouvelles allergies alimentaires, dans un cercle infernal.
Nous avons arrêté immédiatement toute immunothérapie, jetant 13 ans d'efforts à la poubelle, et commencé un traitement par éviction stricte de tous les allergènes (histoire clinique de réaction, pricks positifs, Ige positifs) et des aliments auxquels elle est "seulement" sensibilisée (c'est a dire IgE sanguins positifs mais avec une tolérance allergique).
Puis en parallèle, son gastro-entérologue lui a prescrit un traitement anti-acides et un corticoïde topique agissant donc seulement localement. Malheureusement, celui-ci ayant pour but de diminuer d'inflammation locale donc aussi l’immunité locale, elle a fait des gastro-entérites a répétition, et, si l'inflammation locale a effectivement significativement régressé, les réactions allergiques ont continué de se développer et les douleurs et difficultés de déglutitions ont persisté.
La question que je me suis posée est : quid du reste du corps? Une hyperéosinophilie sanguine a été remarquée en parallèle, c'est à dire que des globules blancs sont en trop grands nombres dans le sang malgré le régime strict. Cela ne peut-il pas poser de problèmes aux au système digestif, aux autres organes? Faut il attendre des symptômes graves pour une évaluation?
L’œsophagite à éosinophiles est une maladie rare quoiqu'en augmentation, mais les conséquences peuvent être graves d'une part la maladie elle-même, mais aussi parce qu'elle abaisse dramatiquement le seuil de tolérance de nombreux aliments. Ainsi, j'envoie ma fille à l'école avec un panier repas strictement contrôlé, sans ses 64 allergène identifiés, même bas en histamine et cuisiné frais, tout en sachant qu'elle peut réagir à tout moment à n'importe quel aliment, et ce, a distance des repas!
C'est angoissant pour une mère (zen, zen! Methode Coué), mais encore plus pour une adolescente. Heureusement, nous ne perdons pas espoir, grâce à sa super-allergologue, qui a proposé pour son combo gagnant eoe - allergies - eczéma - asthme, une biothérapie.
L'espoir d'une rémission : la biothérapie

C'est un grand espoir car ces anticorps bloquent la chaîne de réaction impliqué dans le dérèglement du système immunitaire, et cela traite donc tous les aspects de ces réactions inflammatoires/allergiques. Ces anticorps humaines, à près de 1000€ la dose (!), sont fabriqués dans des cellules de hamster par génie génétique, et on se les auto-administre à raison d'une piqûre (auto-injecteur, merci, le progrès!) tous les quinze jours sur plusieurs mois ou années.
Pour l'instant, nous en sommes au début, pas d'effets négatifs en vue, et nous continuons de résoudre une équation à 64 inconnues pour la cuisine tous les jours à chaque repas, en tentant de veiller à ce qu'elle ne manque de rien alors qu'elle est en pleine croissance et en pleine vie sociale et scolaire (déficit de Vitamine D, sympa le TDAH et les allergies!).
Heureusement, ma fille est une battante qui n'a cessé d'être positive, même si son seuil de douleur est beaucoup trop haut, dramatiquement affecté par tout cela. Elle ne se plaint jamais, même pour des douleurs qui auraient fait plier d'autres personnes, et cela peut-être dangereux. Mais nous sommes là pour elle, quoiqu'il arrive (et même s'il nous faut aller dégoter des aliments qu'elle tolère sur la lune), et croisons les doigts pour que ces gentils hamsters chinois aient fait du suffisamment bon boulot pour ma fille et tous les autres allergiques sévères !
Et vous où en êtes vous avec vos allergies, et leur traitement?
A bientôt,
Irène Zen



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